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La permaculture mobilise l’enseignement agricole

Dix-huit établissements publics retenus dans une analyse prospective du ministère de l’Agriculture illustrent la diversité d’options pour acquérir des savoir-faire dans ce domaine et pour construire de nouveaux types de partenariats.

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Nombre de directeurs et d’enseignants en horticulture-maraîchage mentionnent la forte attractivité de l’agroforesterie ou bien encore de la permaculture parmi les candidats en formations horticoles. Divers échanges durant la biennale Hortipaysages (réunion d’enseignants de toute la France) à l’automne 2021 à l’école du Breuil, à Paris, ont confirmé cet engouement. Sur le terrain, qu’en est-il réellement ?

Cette tendance est bien confirmée dans une analyse prospective qui a été engagée par le ministère de l’Agriculture*. Et la permaculture entre dans une des déclinaisons de la transition agroécologique (TAE), voie impulsée par plusieurs des ministères successifs, notamment dans la seconde phase du Plan national « Enseigner à produire autrement » (EPA 2).

Une pratique ancienne redevenue innovante

À ce jour, les dix-huit établissements identifiés dans l’étude prospective soit proposent une formation spécifique, soit disposent d’un « espace test », soit travaillent sur une parcelle expérimentale. Ils tentent de répondre à l’augmentation prégnante des demandes, que ce soit en formation continue ou encore pour l’accompagnement à l’installation.

La pratique – ancienne, on l’oublie souvent – de la permaculture est très fréquemment présentée comme innovante, alors qu’elle était encore dédaignée il y a moins de vingt ans. Mais un public de plus en plus large – des jeunes, mais surtout des adultes en reconversion –, cherche à donner du sens à ses projets de vie autant personnels que professionnels. Les demandes sont transmises aux écoles autant par la voie des porteurs de projets à l’installation que par des partenaires terri­toriaux tels que des mairies, des collectivités territoriales…

Alors les centres de formation s’efforcent de collecter de nouvelles données techniques dans le domaine, de construire de nouveaux cursus (lire l’encadré page ci-contre) et d’intégrer la permaculture dans les formes participatives de l’enseignement agricole.

Des expérimentations au service de la formation ou de l’installation

Dans certaines exploitations de lycées, des essais de conception ou d’adaptation de projets vont s’inspirer de la permaculture en maraîchage biologique, combinés à des programmes d’agroforesterie et/ou d’élevages à petits effectifs. Ces expérimentations­ sont un support aux apprentissages de nouveaux modes de production.

Quelques exemples ont été relevés dans l’étude prospective :

- les cultures sur buttes en maraîchage intensif biologique ;

- un projet de forêt nourricière par rapport à un verger multistrate avec des modalités agroforestières originales ;

- des paillages pour des démonstrations pédagogiques de régénération des sols et une meilleure gestion des adventices…

Ou alors les expérimentations visent à simuler, comparer et éprouver les réalités et viabilités économiques de systèmes complexes. Car les candidats, souvent les plus jeunes, n’envisagent plus leur installation qu’en polyactivités complémentaires, et à plusieurs associés.

Passer du concept au concret, au cours de la formation

Les dix-huit établissements de l’étude illustrent une diversité de déclinaisons possibles du concept de permaculture. L’EPL de Valdoie (90), par le biais d’un métaprojet, utilise les outils du design permacole pour structurer l’ensemble des chantiers de l’établissement. De leur côté, les jardins perchés de l’EPL de Tours-Fondettes (37) ont valorisé la surface d’une toiture d’un nouvel immeuble d’habitation.

Par ailleurs, un observatoire a été lancé en 2019 au sein de l’Agro Campus de Saint-Germain-en-Laye-Chambourcy (78), dans le cadre d’un groupement d’intérêt public (GIP). Mathieu Vicente, responsable de la plateforme dédiée (la Plâtrière), et deux bureaux d’études ont associé un jardin collectif, une serre, des jardins familiaux et un espace permacole. Depuis l’automne 2020, d’autres enseignants impliquent leurs élèves. Des candidats à l’installation l’explorent aussi durant leur BPREA (lire l’encadré page ci-contre). Cet espace, encore à ses débuts, s’est déjà révélé fonctionnel. En dépit du contexte de la pandémie, la Ville de Saint-Germain est copartenaire pour ses multiples jardins potagers et jardins familiaux.

Au CFPPA des Flandres, à Lomme (59), Fredrick Lévêque, formateur, a construit son fil pédago­gique d’une formation permacole grâce à un module d’initiative locale (MIL) de soixante heures. Suivant une boîte à outils spécifique, s’appuyant sur des visites de terrain, les élèves mettent en forme leurs idées et créent un design en permaculture dans la parcelle de l’institut Fontaine, à Lomme. À partir de savoirs théoriques, ils modélisent leurs projets permacoles et appréhendent les notions de systèmes complexes, interdépendants et écosystémiques, de fertilité des sols, d’associations de plantes, de vie biologique...

Mutualiser les acquis et reconnaître les certifications

Si, dans la pratique, quelques cas d’installations concernent ou intègrent des productions horticoles, la première analyse prospective n’a pas encore relevé de projets d’essais ou engagements spécifiques – en floriculture et pépinière – dans les exploitations horticoles des établissements de formation dans le public. « Mais dès l’année scolaire 2022-2023, des enquêtes et analyses devraient permettre de mieux identifier les initia­tives », annonce Régis Triollet, animateur des Réso­’them­ transition agroécologique et Horti­pay­­sages à la DGER**.

Plusieurs points importants restent à travailler. D’une part la formation des formateurs, les niveaux de certification et leur reconnaissance par le ministère. Mais également la mise en réseau des établissements dans l’optique de mutualiser les moyens, les savoirs et savoir-faire, pour construire un référentiel commun. Et, à terme, l’accès indispensable aux résultats de la recherche sur la rentabilité économique des projets s’inspirant de la permaculture… soit un long chemin avant la reconnaissance­ éventuelle de cette technique au sein des filières professionnelles.

Odile Maillard

*Résultats diffusés début 2022 par Lamia Latiri-Otthoffer, ingénieure de recherche agricultures-écologie du paysage.

**DGER : direction générale de l’enseignement et de la recherche au ministère de l’Agriculture.

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